Dans le cadre d’une conférence de presse liée à un colloque intitulé « commerce équitable : vers un libéralisme responsable » et organisée par le torréfacteur Malongo (on apprécie au passage que l’Etat lui offre une belle action de communication aux frais du contribuable), le gouvernement a demandé à l’AFNOR de réexaminer le contenu de ses travaux sur les bases des standards internationaux définis par les fédérations internationales du CE. Chacun aura compris qu’il s’agissait de FLO. Les règles sont simples ; Pour ces représentants du gouvernement le « vrai » commerce équitable c’est celui de Max Havelaar. Le rapport parlementaire de Monsieur Herth, commandité par le Premier ministre Jean Pierre Raffarin et présenté à cette occasion, épouse la totalité des thèses de Max Havelaar et sert au mieux les intérêts dudit torréfacteur, abondamment remercié d’ailleurs pour sa coopération à la rédaction de ce rapport. Pas étonnant que selon ce document le commerce équitable soit né avec la publication du livre « Max havelaar » en 1860 !
Il est clair que pour éviter tout enjeu de société qui conduirait inévitablement à l’examen de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises multinationales, le rapport parlementaire évacue la question des modes de transport et de commercialisation. Le « commerce équitable » selon lui doit exclusivement se centrer sur les « petits producteurs défavorisés du sud ». Avec l’argument massue que les pauvres des pays développés ne « souffrent pas autant » que les pauvres du sud, car bénéficiant d’un haut niveau de protection sociale. A l’arrogance de MH donc, s’ajoute aujourd’hui la couardise parlementaire qui conduit à contourner le débat par le jeu d’une terminologie « commerce solidaire » au mépris de ceux qui font les frais ici, de l’iniquité des rapports marchands. Les organisations syndicales seront heureuses d’apprendre à cette occasion qu’elles ne sont plus concernées par le sujet. Aucune d’entre elles n’a en effet été consultée dans le cadre de cette mission. A charge, selon ce rapport toujours, pour les organisations du commerce équitable en France d’« encourager l’émergence de porte-parole de producteurs démocratiquement désignés, de participer à leur formation et au financement des besoins de leur fonction » proposition N°3.
Selon ce rapport toujours, l’Etat doit « jouer un rôle de régulateur et vérifier le sérieux des démarches individuelles », par l’intermédiaire d’une Commission Nationale du Commerce Equitable, composée de tous les acteurs « parties prenantes » (à l’exception des syndicats !) qui veillera à la conformité de la démarche des acteurs du CE. Les acteurs qui se soumettront à ces obligations pourront obtenir une qualification officielle du titre du CE.... Bref selon ce rapport, le commerce équitable n’a pas à faire progresser le droit des affaires dans le sens de plus d’équité entre les parties. C’est le principe de la dérogation et de la cooptation qui prévaut. Quitte, le cas échant, à modifier la loi (proposition 25) afin que les organismes de gestion de marque (Max Havellaar par exemple) ne soient plus soumis aux obligations légales du code de la consommation.
En préférant négocier en coulisse avec l’aile la plus libérale de l’UMP plutôt que de débattre publiquement avec des militants, MHF, le CCFD, ADM et la pfce participent à la politique dominante qui entend substituer le compromis social par un ordre moral. Les propos « philosophiques » tenus lors de ce colloque, ont de quoi susciter quelques inquiétudes. On retiendra que la misère du monde incombe à la pensée des lumières quand depuis le XVIII siècle, « les hommes ont abandonné Dieu ».
Nous appelons celles et ceux qui souhaitent défendre une conception universelle et laïque du commerce équitable à rejoindre Minga pour promouvoir des pratiques commerciales qui soient à la hauteur des enjeux.
Le rapport Herth est visible ici.
Le site du colloque "Commerce équitable : Vers un libéralisme responsable"
Pierre-François Sévin
Dany Minard
Emmanuel Antoine